Krummavisur – Ian Manook – Editions Flammarion – 2024 – Le mot de Philippe Smans

Résumé :

Un chalutier en fuite intercepté en pleine tempête par un hélicoptère des forces spéciales. À son bord, le corps de la petite Anika, que toute l’Islande recherche. Trois cadavres incrustés dans la glace, libérés par l’effondrement d’un iceberg au cœur de la lagune de Jökulsarlon. Une base nucléaire américaine secrète que le réchauffement climatique fait émerger de la banquise groenlandaise. C’est à Kornelius Jakobsson qu’il revient de mener à bien ces enquêtes, malgré les manœuvres de politiciens corrompus de tout bord. Difficile, pourtant, de manipuler cet homme aussi magnétique et incandescent que son pays et qui s’échine à saborder sa vie professionnelle autant que personnelle. « Pire meilleur flic » d’Islande, Kornelius est un colosse qui torture son corps dans les salles de force et son âme dans une chorale de femmes ; mais c’est en solitaire obstiné qu’il fredonne la sinistre complainte du corbeau affamé, le Krummavísur…

Mon avis :

On peut dire que ce roman démarre fort, et nous place rapidement dans l’ambiance de l’Islande, que trois romans précédents de l’auteur nous ont appris à apprécier (A Islande, Heimaey et Askja).

On retrouve dans cet excellent roman les trois points forts qui font de Ian Manook un maître du genre : en premier lieu, une intrigue rudement bien ficelée, solide, passionnante et cohérente, du genre de celle qui font qu’on n’arrive pas à lâcher le livre avant la dernière page. L’histoire fait vibrer en nous des ressorts profondément enfouis dans notre subconscient, par exemple lorsque le réchauffement climatique fait ressortir d’un glacier des secrets qui y ont été enfouis dans le passé. Ce thème avait déjà été abordé dans « Opération Napoléon », par Arnaldur Indridason, et est brillamment utilisé par Ian Manook dans le cadre de l’intrigue, magistrale, qui mêle géopolitique, corruption et pouvoir, le tout dans le cadre magique de l’Islande, avec des incartades au Groenland et au Danemark.

L’autre point fort est la manière dont l’auteur campe les personnages : leurs différentes psychologies sont variées, mais totalement cohérentes et réalistes. Quand un personnage est antipathique, la magie de l’écriture fait qu’on le déteste réellement. S’il est en détresse, on meurt d’envie de voir la suite de l’histoire résoudre ses problèmes. Et s’il est sympathique, on se prend à espérer qu’au fil des pages il ne lui arrivera rien de fâcheux…

Enfin, comment ne pas mentionner l’exceptionnelle aptitude de cet auteur à décrire les lieux…Après trois romans ayant pour cadre l’Islande, on pourrait prendre en main ce quatrième en se disant qu’il va y avoir certaines redites, un sentiment de « déjà vu » ou de « déjà lu »…Eh bien non, la magie des mots opère à nouveau ! Ian Manook n’a pas son pareil pour faire vivre des lieux, nous y plonger comme si on y était, nous en faire humer l’atmosphère…et nous donner l’envie de se ruer dans une agence de voyage en vue de s’y rendre. Un esprit complotiste pourrait sans problème imaginer que l’auteur a, en réalité, été payé par l’office du tourisme d’Islande pour écrire ce roman…

Rythme, rebondissements, dialogues percutants, émotions, et même poésie : tout cela se trouve dans ce roman, qui représente la garantie d’un excellent moment de lecture !

Philippe Smans, chroniqueur

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