Tuyêt-Nga Nguyên « Mes livres disent mon amour pour la liberté et la justice » – Le mot de Malika Madi

Je suis…

Née au Viêt Nam, j’ai fait mes études supérieures en Belgique et je suis diplômée de l’ULB. J’ai vécu aux États-Unis et en Afrique. Aux États-Unis, j’ai été bénévole auprès de l’IRC (International Refugees Committee) pour porter assistance aux premiers réfugiés vietnamiens fuyant leur pays après la fin de la guerre du Viêt Nam remportée par le nord communiste.

Mon écriture…

Venue à l’écriture sur le tard, je suis l’auteure de six romans dont cinq sont des romans historiques sur le Viêt Nam. Le premier, Le journaliste français, a remporté le Prix des Lycéens 2009, le cinquième, Soie et Métal, a été finaliste du Prix des Cinq Continents 2021, le sixième, 927, est sorti le 20 septembre dernier. On dit de mon style qu’il est simple et poétique, qu’il peut faire rire, mais aussi bouleverser. Mes livres s’adressent à un lectorat qui aime apprendre et comprendre, sans prise de tête.

Ma place dans le monde et ce que mon œuvre peut changer…

Celle que je me donne, par ma façon d’être, par ma contribution à la société dans son ensemble, par les valeurs que je porte et que je défends avec ma plume.

Mes livres disent mon amour pour la liberté et la justice. Le dernier, 927, est l’histoire d’un jeune Vietnamien qui a été condamné à dix ans de prison, dont six aux travaux forcés. Son crime : chanter des chansons d’amour, jugées déviantes par parti communiste. L’action se passait dans le nord Viêt Nam, lorsque le pays était encore divisé. En réalité, c’est une adaptation que j’ai faite de ses Mémoires qu’il a publiés il y a quelques années et qui ont été interdits par le même parti, alors que les chansons qui l’avaient envoyé en prison sont chantées partout dans le pays depuis des décennies. Si 927 peut contribuer non seulement à faire réfléchir, mais aussi à agir, j’aurai apporté ma pierre, si petite soit-elle, à la construction d’un monde plus juste.

Malika Madi – DiverCité.be

Aysuun – Ian Manook – Éditions Albin Michel – 2023 – ISBN 9782226475022

« Ne fais pas semblant, petit frère, ne retiens pas ta surprise, je sais l’âge que j’ai et le visage qui va avec. Cent six ans et la peau ridée comme une risée sur la rivière… 

Bon, ma légende tu veux la connaître, c’est bien ça ? Pour un mémoire d’ethnologie ? Je veux bien, mais es-tu prêt à croire ce que je vais te raconter ? Ce n’est pas seulement mon histoire, petit frère, c’est aussi celle d’époques passées, de peuples perdus, de traditions oubliées. De steppes meurtries. »

1930. Les Soviétiques lancent une « campagne de pacification » dans le sud de la Sibérie, sur les territoires mongol et touva, pour y éradiquer la culture nomade.

Checheh est innocente, elle ne connaît rien à la ruse des hommes, à la perversité des Soviétiques. Elle est trop jeune pour comprendre que cet homme est fourbe. Qu’il est pire qu’un communiste mongol. Que c’est un Russe. Un Soviétique.

Quelques secondes plus tôt, notre aal sentait le lait, les résineux et le thé. La bonne odeur des animaux. L’air acidulé d’un matin d’été. Il n’empeste plus maintenant que le gasoil, la poudre et le sang.  L’horreur autant que la terreur vont paralyser les habitants.

Tsuyann et sa fille Aysuun sont laissées pour mortes après le massacre de leur campement.

Mais, aux confins de la Mongolie et du pays Touva, terres de traditions millénaires, il est une femme qui résiste : Aysuun.

Vingt-cinq ans plus tard, Aysuun recroise la route de son bourreau. L’heure de la vengeance a sonné.

Quelques personnages emblématiques :

Olygbay, « ma petite sœur de cœur, dit Aysuun. Ma sœur des steppes entourée de ses rennes. Son âme a dû se protéger en redevenant celle d’une enfant ».

Le commandant Sergueï Ibramovitch Bolchakov qui a sous son autorité la garnison russe du district militaire de Transbaïkalie, en territoire mongol. Sentinelle solitaire et alcoolique plantée au fond de steppes incertaines.

Le colonel Kariakine. Petit, sec, raide, toujours sanglé dans son uniforme impeccable, sans un pli, ceinturon et étui de pistolet d’un même cuir astiqué. Mêmes ses bottes noires et lustrées luisent par-dessus son pantalon de cheval.

Bazaan, un jeune capitaine, le chauffeur du colonel.

Le major Brobovich, vieux soldat obséquieux, aide de camp, ordonnance du colonel.

Tara, un cheval Akhal-Teke, qui fait la fierté du colonel. Ce dernier ne dit-il pas que c’est le cheval des razzias, un cheval de guerrier. Prétentieux, l’officier ne manque pas de clamer : « Il est à vos chevaux trapus et ordinaires ce que le lévrier est aux chiens, ou le guépard aux fauves d’Afrique. »

Tumur, qui avait 10 ans à la mort de sa mère

Semdjeet, l’ami deTumur.

Argaan, la sœur de Tumur, adoptée par un couple mongol.

Gombo, le bandit-chamane

Guni, le lama, le moine-chasseur

Fat Sandjay, l’homme aux bottes brodées de perles bariolées. Un bandit dandy, un brigand pimpant, un larron coquet. C’est une vipère vive dans la carapace d’une lourde tortue. Il n’est plus qu’un vieux beau dans un costume vulgaire. Une chose immonde déguisée en danseuse de cabaret.

De chevauchées en bivouacs, entre nomades et militaires, cavaliers légendaires et voleurs de chevaux, sur fond de chamanisme et de communisme, commence alors une traque haletante, vers un piège impitoyable… On ne traque pas un ours blessé sans craindre sa fureur. On ne traque pas un fou sans craindre sa déraison. Sans craindre la nature non plus, qui décide du terrain de chasse.

Bien sûr, le lecteur sent que quelque chose se prépare…

Pour Bazaan, ce délai de trois jours et cet itinéraire doivent correspondre à un plan. Mais l’angoisse de savoir quoi et comment l’a quitté. Il se perd bientôt dans la contemplation de ces terres libres, immenses et éternelles. Étrangères au drame que, peut-être, les êtres minuscules et si provisoires qu’ils sont trament et ourdissent entre eux. Du haut de leur petite vie dérisoire de soixante-dix ans à peine, ils chevauchent une steppe de plusieurs centaines de millions d’années avec la prétention d’y être les maîtres. Ils ne sont en fait que des animaux qui ne se tiennent debout que depuis trois millions et demi d’années. Sur une terre qui porte tout ce qui vit ou prépare la vie d’une façon ou d’une autre depuis quatre milliards et demi d’années. Rien. Ils ne sont rien. C’est ce qui les entoure qui est le vrai tout.

Dans ce grand roman d’aventures, de luttes et de passions, porté par le souffle de la liberté, Ian Manook, glisse subtilement un magnifique conte philosophique, une ode à la Mongolie. Pour notre plus grand plaisir, l’auteur de la trilogie best-seller Yeruldelgger, fait un retour époustouflant dans les steppes de Mongolie et la taïga du bout du monde.

Un magnifique roman dont l’un ou l’autre personnage pourrait sûrement nos plonger dans de nouvelles aventures.