Messieurs, encore un effort… – Elisabeth Badinter – Editons Flammarion/Plon – 2024 – ISBN 9782080447753

En deux mots, à l’heure où le taux de natalité en France ne cesse de chuter depuis dix ans, Elisabeth Badinter dénonce la dureté de la condition maternelle. Les femmes détenant l’ultime pouvoir de décision à l’égard de la reproduction, il est à craindre que certains états leur fassent payer la note de la dénatalité, notamment en s’appuyant sur des principes… d’ordre religieux.

L’alliance de la politique et du religieux n’est jamais favorable à l’émancipation des femmes.

Constatant que la maternité fragilise les femmes professionnellement et que la charge de l’éducation leur incombe bien davantage qu’aux pères, elle appelle à accélérer le combat pour l’égalité. Et ce combat pour l’égalité des sexes est loin d’être achevé. En dépit des lois qui s’appliquent à gommer les inégalités, les progrès sont d’autant plus lents qu’il concerne l’intimité des couples et la persistance des « stéréotypes de genre ». La principale source des inégalités, qui engendre les autres, est le non-partage des tâches ménagères et parentales. Les femmes en font toujours plus que les hommes.

Les pays industrialisés ont entamé, depuis quelques années, un lent repli démographique. Longtemps, la France a conservé une belle natalité, mais ce n’est aujourd’hui plus le cas, et la voilà qui, lentement mais sûrement, s’approche à son tour du solde naturel négatif, avec toutes les conséquences sociales qu’on peut imaginer.

Quant aux raisons de ce phénomène, chacun y va de son explication : effet des crises à répétition ? Menace écologique ? Perte de confiance dans le monde à venir ? Elisabeth Badinter pointe la dureté de la condition maternelle, principale cause du désengagement des femmes.

Faire un bébé aujourd’hui, c’est accepter une moindre rémunération tout en assumant les contraintes de la double journée, c’est supporter, bien davantage que le père, le poids psychologique de la parentalité.

Si le statut de la femme a évolué depuis le siècle dernier, celui de l’enfant aussi : c’est comme si le pouvoir avait changé de camp. Et l’on aboutit à ce paradoxe que la libération de la femme ne libère pas la mère du vingt-et-unième siècle. Bien au contraire. Aujourd’hui, dès lors qu’une femme choisit d’avoir un enfant, elle éprouve un sentiment de responsabilité inconnu par le passé. Elle se doit d’être la mère idéale d’un enfant heureux dont il faudra développer tous les potentialités, physiques, psychiques et créatives. Et gare à l’échec ! Une fois encore, la femme doit s’incliner devant la mère.

Les mentalités évoluent, dit-on… Pas assez, et sûrement pas assez vite, et même les politiques natalistes sont insuffisantes, qui ciblent les aides à la petite enfance, alors que la charge mentale des mères se prolonge bien au-delà.

Il est temps de rétablir des limites. À l’adulte, à l’enfant. Le caprice n’existe que dans la tête des adultes affirme Héloïse Junier, une figure de l’éducation bienveillante, psychologue et avocate des droits de l’enfant. La rébellion du petit n’est que l’expression d’un besoin insatisfait. la solution serait d’expliquer au bambin la raison de ses émotions, car il ne manifeste jamais de l’agressivité par hasard. À la mère d’en trouver la cause et de la mettre en mots… Autrement dit, en toute circonstance, rester chaleureux et compréhensif, même si l’enfant hurle ou tape. Malheureusement, note la psychanalyste Adriana Campos, « tous les efforts de l’adulte obtiennent rarement l’effet escompté ». Et le parent impuissant navigue entre exaspération et culpabilité. Les rôles sont inversés : l’enfant dans sa toute-puissance ignore ses limites et devient le tyran de ses parents qui n’ont pas su lui apprendre la frustration et la loi bref, le civiliser.

Heureusement, la psychologue clinicienne Caroline Goldman est venue récemment rappeler l’importance d’opposer des limites à l’enfant, créant par là une formidable polémique avec les partisans de l’éducation bienveillante. L’éducation suppose l’apprentissage des règles sociales qui nécessite plus de non que de oui. Or les parents ont aujourd’hui ont plus de mal à prononcer l’interdiction que ceux d’hier. Peur de mal faire ? Peur d’entrer en conflit avec l’enfant ? Lassitude ? Il faut pourtant leur apprendre les limites à ne pas dépasser.

Une nouvelle ère de la maternité se dessine : mieux éduquées, les femmes font vite le calcul des plaisirs et des peines. Si l’égalité entre les sexes ne progresse pas plus radicalement, et jusque dans l’intimité des couples, il ne faut pas s’étonner qu’elles refusent d’être les éternelles perdantes.

« Être mère n’a jamais été aussi difficile. » Elisabeth Badinter.

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