Tessons au sable – Arnaud Delcorte – Éditions Le Coudrier – 2023 – ISBN 9782390520528

Le poète contemple l’azur.

Cieux et eaux bordent la dune de mots puisés dans les lieux foulés au gré de ses pérégrinations.

Une aigrette à la cime déchiffre le murmure des flots, reflets d’oiseaux dans les baies où l’homme succombe au chant des vagues, aux regards enfiévrés de cet autre, grain de sable fatal qui viendra épicer les fumets de son désir.

L’homme s’est échappé de sa routine, la cage est ouverte… le monde s’offre à lui. Fès. Derb Bennis. Il se pose. Au-delà des claustras, l’exhortation du coq qui sommeille en lui fait écho à la cacophonie des pioupious dansant la farandole.

C’est qu’il en croise… Aigrettes, colombes, corbeaux, corneilles, faucons, hérons même, hirondelles, ibis, merles et moineaux, mouettes et oies criardes, passereaux, pinsons, serins et vautours s’étonneront de ce drôle d’oiseau.

Des côtes de l’Afrique du nord, à l’Egypte, la Méditerranée offrira ses plages.  Caravansérails et hammams seront des pots de miel ouverts à ses amours.

Dauphin dans les eaux turquoise,  alevins, alligators, et rascasses l’accompagneront dans ses danses aquatiques. À l’écart, une rade discrète où s’ancrent les plaisanciers, calme et volupté…

Solidaire de sa barque, le pêcheur inflexible, bouée au jeu de la vague, revient sans cesse en son centre. Une mouette perchée s’envole au passage de la barque… la pêche reprend dans les rires touffus.

Azalées, bougainvillées, fuchsias, géraniums, lavande, lys sauvage, orchidées, roses trémières ne lui suffiront pas. Cyprès, dattiers, eucalyptus, genévriers, laurier, papayes et pins rivaliseront avec le poirier, parasol de ses pensées.

Ici caméléon, là characin, il croisera un cheval dalinien, un chien andalou ou un boxer fou. Il va, il vient comme une gazelle. Son recueil est comme une toile qu’on soulève…

Grillons et sauterelles lorgneront le dard de ce bipède. Une caravelle d’insectes dans la piscine, avec la vrille des cigales pour gouvernail.

Serpent des dunes ou lézard, l’instinct primaire de ce reptile sera sous le charme du colosse égyptien.

Ni de marbre, ni de schiste, le poète s’émeut sans retour. Muscles noirs, épaule terre d’encre attirent le sphynx. Repus, deux corps alanguis rouleront dans le limon de l’insomnie.

Que nous dit la vie que nos mémoires ne sachent déjà ?

Carnets de voyage d’un arpenteur curieux du monde et de l’âme, ces « Tessons au sable » sont tissés d’infimes moments, de sensations, de rêveries, de couleurs. Ils distillent un regard en larmes de sens vouées à s’évaporer dans l’air ardent.

Séquences d’instantanés, parfois posés, parfois Polaroids, oscillant entre poésie intimiste, tableaux prosaïques voire aphorismes. Qu’elles soient d’écume, de poussière ou de chair, les images en sont souvent surexposées, les formules lapidaires.

Ces tessons tantôt scintillent tantôt réfractent une lumière sans cesse changeante.

Un bijou !

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