Soleil bas – Émilie Hamoir – Éditions Academia – 2022 – ISBN 9782806105899

Anna

Son père, elle l’imaginait là, dans son fauteuil de vieux… A présent qu’il n’est plus, ce corps… « Dans ma tête, je dissociais encore « le corps » et « mon père ». Deux entités distinctes. Une vivante et une morte.

Il fallait à présent cacher, enlever ce que nos yeux ne peuvent plus voir, taire les empreintes de ceux qui sont partis, comme un garrot pour éviter que la blessure s’aggrave.

– Anna Stilinski ?

Anna laissa rentrer le policier, méfiante.

– Nous avons les résultats de l’autopsie pratiquée sur le corps de votre père et il semblerait que…

*

Léo ?

Il avait je ne sais quoi de nonchalance qui confinait au charme.

Ses parents étaient morts depuis assez longtemps pour qu’il ne s’en émeuve plus.

C’était sa dernière année à l’université et il comptait mettre à profit les semaines à venir pour trouver un boulot dans un cabinet d’architecte.

Léo apprivoisa Rose. Il l’écoutait se plaindre de ses parents et raconter les romans qu’elle devait traduire.

Rose.

Rose aimait la solitude, Ou plutôt, elle fuyait la compagnie. Une entreprise pharmaceutique cherchait un traducteur pour des notices en russe. C’était sa langue de prédilection.

*

Retrouvant la maison de son enfance au décès de son père Léo, Anna, sa fille se plonge dans les papiers du défunt. Sur des classeurs étiquetés…

Ils dataient de l’époque où mon frère (Paul) et moi vivions ici. Je m’assis sur le parquet, tendant la main vers 2010. L’année de mes quinze ans, l’année où mon frère était parti en claquant une dernière fois la porte derrière lui.

Les vraies raisons de son départ m’échappaient encore aujourd’hui. Mon frère était un nid à secrets, il en cachait tellement que j’étais persuadée qu’il s’y était perdu lui-même.

Dans notre vie, il y avait eu deux périodes. De la première, il ne me restait que des bribes, des fragments de souvenirs, liés pour la plupart à des odeurs qui, soudain, me revenaient comme de petites vagues. Certaines étaient douces et chaudes, d’autres froides et menaçantes. Mais la silhouette, le visage flou de ma mère y étaient omniprésents.. Au printemps, lorsque je marchais dans la forêt derrière chez nous, l’odeur de la sève qui montait des arbres faisait venir en moi toujours la même image, les mêmes sensations.

*

Le roman d’Émilie Hamoir nous plonge dans la destruction puis la difficile reconstruction de la vie d’un enfant à la suite de la perte d’un être cher. Tant de zones floues, de non-dits laissent place à d’hypothétiques rebondissements. Il est alors difficile d’assister au bonheur des autres, surtout de ceux que l’on aime…

On dit que le silence est assourdissant, ça peut paraître bizarre, mais c’est vrai… On le fuit pour éviter qu’il nous entraîne avec lui comme dans un trou noir.

L’auteure nous baigne dans un récit plein d’humanité abordant son sujet d’une écriture fluide, directe, menant le rythme à cadence assurée.

Une très agréable découverte. Un premier roman à retenir.

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