Lueurs d’ermitage – Benoît Goffin – Éditions Weyrich, coll. Plume du Coq – 2024 – ISBN 9782874899188

Étrangement, c’est lorsque l’on tente d’écrire un ressenti que les mots manquent. Ils ne parviennent pas à rendre compte de la percussion intérieure. Comment exprimer le souffle d’une conversion ? Parfois, la poésie se fait proche. Mais c’est surtout dans les blancs ouverts par le texte et l’espace vierge autour des mots ; tout ce qu’effleure la musicalité dans l’agencement du texte.

Nous avions déjà été subjugué par le premier roman de Benoît Goffin, Messes amères, édité aux Éditions Weyrich, coll. Plume du Coq en 2022. Dans son second ouvrage, l’auteur ne se départit pas de cette écriture sublime qui accapare l’attention de ses lecteurs.

Le père Élisée de la Nativité, de son vrai nom Jacques Montplainchamps, vivait depuis quelques années en solitaire à l’ermitage de Bernister proche de Malmedy. Il s’y était retiré au terme d’une sombre affaire au sein de la communauté religieuse bruxelloise dont il était le prieur.

La nature, le chant des oiseaux et le travail de la terre cicatrisent bien des souffrances. Les conflits intérieurs s’apaisent et l’humus redevient fertile pour de nouvelles pousses. On ne peut vivre au profond d’une forêt inhospitalière que par élection ou par exclusion. La situation du père Élisée tient un peu des deux ! Exclaustré de l’Ordre des Frères de Notre-Dame, il a choisi ce lieu parce qu’il a été celui de l’amitié la plus intense qu’il lui fut donné de vivre et dont les murs sont encore tout imprégnés. L’épaisse forêt d’épicéas qui ceinture l’ermitage constitue une sorte de rempart naturel dont la densité fait penser à ces labyrinthes initiatiques qu’il faut traverser pour parvenir jusqu’à la petite clairière de l’oratoire. Elle fait penser à cette sombre végétation pleine d’inquiétudes dans laquelle la Blanche-Neige des contes de Perrault vient se perdre pour échapper à ses poursuivants mais qui se révèle, en réalité, lieu d’asile et de paix avec la chaumière des nains. Le laid et le difforme se découvrent terre d’accueil et de protection. « Découvrir que l’abominable est bon ! » disait le philosophe Michel Serres en parlant du Yéti d’Hergé dans Tintin au Tibet. Avec le temps, l’inhospitalité apparente de la nature est devenue compagne protectrice, douce et attentive à la solitude.

Vagabonds de passage, ouailles, fermiers venus en voisins vont meubler le temps. Jusqu’à la découverte dans la resserre d’une bien étrange inscription en… gothique !

Les historiens se délectent de retrouver, sous le texte apparent qu’ils auscultent, un écrit plus ancien qui transfigure leurs recherches besogneuses en quête passionnante, prenant parfois des allures de polar.

Dans le désordre, le brave Aloïs, le dévoué facteur. L’abbé Lucien Forthomme, le curé-doyen de Malmedy avec qui il partage de bons flacons aux teintes rubis… Crapule, le vieux chat caractériel, asthmatique et ayant peur de son ombre. Bertha, l’amie hôtelière des Sotês.  Le commissaire Philippe Légaut. Sœur Euphrasie de l’ermitage de Torgny. La comtesse de Malifaye von Stein et son fils Lancelot. De mystérieux anciens colons. Et les Russes de la forêt…

Un tourbillon d’intrigues.

Magistral !